Selon les projets, la perception des risques entre le domaine privé et public diffère grandement.

Introduction
Bonjour,
Je suis votre hôte, Julie Lapointe, et bienvenue à ce troisième épisode du balado Ère d’entreprise.
L’objectif d’Ère d’entreprise est d’analyser l’évolution des systèmes d’affaires par rapport aux tendances passées, actuelles et futures. Ce que l’on tente de mettre en lumière, c’est l’impact de ces tendances sur les évolutions du marché et sur les cycles de développement des affaires. Est-ce que les grandes révolutions commerciales et industrielles ont initié les tendances ou en ont été une réaction?
Ère d’entreprise analysera des bouleversements du passé selon des thèmes mensuels par le biais d’un épisode par mois et d’une mini-capsule hebdomadaire qui sera disponible sur l’ensemble des plateformes web.
Je vous invite donc à suivre mon compte LinkedIn personnel, sous l’adresse evolutionentrepreneuriale, pour avoir accès à ces capsules et bien évidemment la page web de ce balado, eredentreprise.ca.
Dans cet épisode
La prise de risque est inhérente au démarrage d’une entreprise. Plan d’affaires et de communications, analyses de marché et prévisions budgétaires sont des exemples de documents qui seront certainement demandés lors de la recherche de financement. Ces derniers jouent un rôle de mitigation des risques et semblent guider tout nouvel entrepreneur. Mais qu’en est-il des installations publiques?
Prenons exemple sur les infrastructures sportives, elles sont perçues comme une dépense et les dépassements budgétaires acceptés. Ces projets démarrent dans des conditions qui signeraient l’échec de tout démarrage d’entreprise.
Le contexte entrepreneurial
Le démarrage d’une entreprise est difficile et ce parcours du combattant est devenu de plus en plus risqué et complexe avec les années. La structure judiciaire, soit l’incorporation, est devenue désuète par des pratiques bancaires maintenant usuelles. Elle ont aussi été reprises par un nombre grandissant de fournisseurs en tout genre.
Cette norme moderne est l’endossement personnel. Elle est devenue un incontournable et court-circuite complètement l’idée derrière l’incorporation, soit la protection de l’entrepreneur. Aujourd’hui, il est impossible de ne pas mettre son patrimoine personnel en danger pour accroître ou démarrer son entreprise.
Cette pratique a pris de l’ampleur dans les dernières années. En particulier lorsque les banques ont priorisé le rendement des actionnaires à leur implication dans le développement commercial et économique de la société. Alors qu’auparavant, il était possible de s’entendre avec son banquier, aujourd’hui un plan d’affaires, des budgets et études de marché sont demandés, pour terminer avec exactement la même demande, un endossement personnel.
Il est donc peu surprenant de constater une réduction des démarrages d’entreprises au Québec et une augmentation des fermetures. Démarrer une entreprise est long et demande de la persévérance. L’entrepreneur contemporain fermera donc rapidement ses portes pour ne pas avoir à se mettre en danger. On peut donc en conclure que plusieurs entreprises ont fermé prématurément, sans avoir eu de réelles chances d’émerger, par inquiétude de son fondateur.
Des financiers exigeants
Aujourd’hui, le monde financier demande une rentabilité exemplaire avec un risque zéro, idéalement dès la première année. En plus de nuire à la créativité et à la longévité de l’entreprise, cela impact la santé psychologique des entrepreneurs et diminue la volonté entrepreneuriale. La Presse a d’ailleurs publié un dossier très complet sur cet aspect et qui jette une lumière peu reluisante sur ce choix de carrière. Mais cette pression varie selon l’entreprise et les acteurs en cause.
Plus ces derniers sont majeurs, plus les conditions et la prise de risque des financiers sont propices à l’endettement. Ceci a certainement une logique, car ces derniers sont moins à risque. Toutefois, c’est aussi ce risque qui appelle à la prudence et à l’innovation. Si personne n’est responsable en cas d’échec, la motivation pour l’éviter est de ce fait diminuée.
Le contexte municipal
Le contexte des projets municipaux fait partie de ces domaines privilégiés. Les citoyens demandent un centre aquatique ou un aréna, le processus est rapidement mis en branle pour sa réalisation. Le résultat est de très belles infrastructures. Toutefois, elle dépassent les budgets et sont considérées comme une dépense municipale. Pour les financiers, la logique est simple, le gouvernement est un bon payeur, le risque de financement est nul, pourquoi se priver des intérêts? Les règles d’engagement sont donc complètement différentes.
Cependant, la réalité est beaucoup plus complexe. Puisque dans sa finalité, cet argent provient de patrimoines privés. Ce sont les taxes payées par les citoyens aux différents paliers gouvernementaux qui permettront le développement du projet. Cela sera aussi le cas des dépassements budgétaires et des dépenses subséquentes. Ce qui peut facilement se traduire par une augmentation des taxes.
Toutefois, ce volet n’aura jamais été présenté lors de l’annonce du projet. Cette dernière s’est limitée aux options qu’offrira la nouvelle piscine. Ultimement, à l’image de l’entreprise, le risque est porté par le citoyen. Leur nombre diminue la portée de ce risque, mais est-ce une raison pour justifier une installation inefficace?
Dans le cadre d’un centre sportif, l’investissement initial provient de la dette et de subventions. D’où qu’il provient, cet argent origine de la même poche, les payeurs de taxes. Considérant que les utilisateurs veulent essentiellement un bain libre et des cours de natation, il est impossible de penser que ces sources de revenus sont suffisantes pour l’ampleur du financement.
Une grande proportion des budgets annuels
En règle générale, un projet sportif majeur représente une proportion entre 10 et 25% du budget municipal d’une petite ou moyenne ville. Cette proportion sera moindre pour une ville majeure, mais quand même conséquente.
Voici de façon concrète une illustration du fardeau de la dette. Le projet aquatique de Rosemont se terminera prochainement avec un budget final de 39M$. Comparativement, le montant préalablement budgété était de 20M$. De ce montant, 4M$ proviendra de l’arrondissement de Rosemont.
La piscine de Plessisville coûtera 3.2M$ alors que le budget municipal annuel est de 12M$. Dans ce cas spécifique, une subvention de 800 000$ sur 10 ans sera versée par un autre palier gouvernemental. Cela implique donc une dette considérable. La subvention ne couvrira même pas les intérêts sur les hypothétiques 20 ans d’amortissement.
Le centre aquatique de Rouyn-Noranda quant à lui coûtera 20M$. La ville dispose d’un budget annuel de 87M$. Ce projet sera assumé par le niveau municipal à hauteur de 5.5M$.
Le public vs le privé
Il est certain que l’objectif d’une entreprise diffère grandement de celui d’une municipalité. L’objectif est ici l’amélioration de la qualité de vie et cette dernière a un coût. En revanche, d’un point vu purement théorique, l’écart entre les garanties demandées à toute entreprise en comparaison avec celles exigées des municipalités est disproportionné.
Au-delà de la gestion du risque, et bien que l’idée de tirer un profit d’une installation publique puisse être utopique, en respect pour l’argent durement gagné des ménages, serait-il complètement irraisonnable de demander au minimum l’autonomie financière de ces projets d’investissements?
La réalité est que ce poids fiscal, qui sera supporté par plus d’une génération, n’a aucun plan d’affaires, de mise en marché ou de profitabilité. Ces installations ne sont pas nécessaires à la vie économique et/ou à la survie d’une région telles que les routes, ponts ou système de gestion des eaux… Elles sont présentées comme des investissements auprès des communautés, mais sans espoir de rendement…
Dans la situation actuelle, c’est donc dire que le taux d’échec des installations sportives est infiniment plus élevé que celui des entreprises, mais les règles qui régissent leur financement démontrent l’opposé. L’obtention de ces financements et subventions, ne devrait-elle pas être collatérale à des engagements, normes ou règlements?
Les études démontrent qu’une des principales raisons de l’insuccès des entreprises est la méconnaissance en gestion. Les installations sportives répondraient-elles aux mêmes règles? Qui sont les gestionnaires de ces installations?
L’innovation sans obligation, gestion des pertes
Il est bien connu dans le monde des affaires que l’absence d’objectif mène généralement à une absence de résultat. Les installations sportives n’annoncent aucun objectif de rentabilité, et ce, sans réelle conséquence. Ces installations, dont le bénéfice comptable sera négatif, demeureront ouvertes, car elles auront bénéficié d’aide gouvernementale supplémentaire. De toute façon, où serait le sens de fermer une installation neuve de 40M$ un an après son ouverture…
Un bel exemple est le Centre Vidéotron. Dans le cadre de ces investissements astronomiques, aucun plan B n’a été mis en place dans l’éventualité où il n’y aurait pas d’équipe professionnelle de hockey. Quelle entreprise de ce monde aurait eu droit à un tel prêt, si la Ville de Québec n’avait pas soutenu le projet.
Aujourd’hui, l’ensemble des citoyens paient annuellement des frais pour palier au manque de revenus. Résultat, sans conséquence, le plan de relance de l’aréna se fait attendre…. Et l’innovation nécessaire au maintien des activités est inexistante. De mon point de vue, cela fait certainement de cet arèna, une entreprise peu performante…
Cette situation n’est pas unique au Québec, la France a d’ailleurs saisi ses assises pour analyser cette dernière et trouver une solution.
Plusieurs facteurs uniques font partie intégrante de ces projets d’envergure, mon intention n’est donc pas de trouver une comparaison facile entre l’entrepreneuriat et le service au citoyen. Par contre, le domaine sportif trouverait certainement avantageux de s’inspirer de quelques concepts du monde affaires. Par exemple, une entreprise sera viable qu’à la condition de maintenir l’innovation et l’investissement. Un projet sportif de plusieurs millions devrait normalement réagir aux mêmes règles.
Les plans stratégiques
Pour ce faire, un plan de mise en marché et de marketing devrait faire partie de ces projets, dès la conceptualisation. Se contenter de la clientèle accessible et traditionnelle n’est certainement plus suffisant pour assumer les coûts astronomiques de ces derniers. En fait, ces projets devraient faire l’objet d’un développement agressif des ventes, créer de nouveaux besoins et trouver de nouvelles clientèles. Qu’elles sont les possibilités?
Un outil d’importance dans toute entreprise est le conseil d’administration. Dans ce contexte, je parle d’un conseil proactif, compétent et représentant plusieurs domaines et non pas un conseil de gestion dont la tâche est uniquement d’approuver un rapport annuel. Un tel rassemblement de compétences pourrait-il être un bon outil pour appuyer la faisabilité de nouvelles initiatives et la naissance de nouveaux concepts.
Dans un monde idéal, les concepts de ces projets seraient développés dès leur naissance. Les dessins d’architecture, les astuces d’ingénierie et la définition des équipements devraient répondre à un futur plan de développement des affaires et de mise en marché. L’abolition des silos dès la conception avec une approche multidisciplinaire. L’idée est de donner une vocation plus large à ces installations et de les jumeler à d’autres domaines d’affaires pour en faire un projet-phare de la municipalité à l’avantage de tous.
Jumeler avec d’autres domaines d’affaires
Ces infrastructures ne pourraient-elles pas devenir un lieu touristique? Le ministère du Tourisme à récemment annoncé des subventions pour le tourisme sportif de Montréal. Ce type de tourisme prend d’ailleurs une ampleur partout dans le monde. Les touristes modernes veulent découvrir leur destination, mais de plus en plus d’entre eux ont des objectifs très précis quand vient le temps de planifier leurs activités. Le sport, incluant la randonnée et jeux aquatiques, est largement en demande et en constante croissance. Les modifications dans les habitudes de vie expliquent certainement une partie de ce nouvel engouement…
À l’heure où plusieurs installations doivent être construites ou rénovées, ce rafraîchissement des infrastructures serait un bon moment pour réévaluer notre façon de faire les choses. La destination d’un immeuble est largement plus simple à prévoir lors de sa conception que plusieurs années après l’ouverture.
Toutefois, même dans cette situation, un réinvestissement pour élargir les sources de revenus peut être bénéfique dans certaines circonstances. Après tout, cela est la définition même d’un investissement.
Rentabilité?
La rentabilité permet aussi une mise à jour constante des installations et une amélioration continue. La désuétude des installations est largement accélérée quand l’entretien est déficitaire. On reconnaît sans problème qu’un actif bien géré voit sa durée vie augmenter et les dépenses de mise à niveau diminuer. Il est donc nécessaire d’accorder la même importance aux immeubles communautaires que celle que nous accorderions à notre maison.
La réflexion du concept doit donc aussi se faire sur l’ensemble de la durée de vie de l’installation afin d’en assurer son accessibilité et sa pertinence tout au long de son existence.
Je laisse ici de côté l’ensemble des formalités et la bureaucratie nécessaire pour les démarches d’ajout d’équipement et/ou de rénovation d’une installation. Ce volet réglementaire, souvent lourd, se veut nécessaire pour assurer une transparence dans l’ensemble des processus de gestion de l’argent public. Cet aspect pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un mémoire de recherche à lui seul. Mon point étant qu’il pourrait être intéressant de donner autant, sinon plus, d’importance à la gestion des infrastructures.
Il est temps de voir ces installations comme des investissements à long terme et d’augmenter nos attentes face à leur gestion et leurs fonctions. Le risque commun doit être pris avec les mêmes considérations que celui privé, assurant ainsi la longévité et la pérennité de notre environnement.
Conclusion
Pour aller un peu plus loin dans les sujets abordés aujourd’hui, n’oubliez pas de prendre connaissance des capsules hebdomadaires, qui seront diffusées les mercredis sur l’ensemble des plateformes numériques, LinkedIn, Twitter et Facebook d’Unicorne et d’Ère d’Entreprise en plus de ma page personnelle LinkedIn à l’adresse évolutionentrepreneuriale.
Les sujets abordés dans les quatre prochaines semaines seront : l’objectif des études de marché, la notion de risque et son influence dans le financement et finalement, un bref aperçu du modèle de franchise sera en ligne le 25 août prochain.
Le prochain épisode reviendra sur la notion d’échec. Quelle est sa réelle définition, sa signification et les différents facteurs qui peuvent l’expliquer.
Merci d’avoir partagé ces moments avec moi. Je vous rappelle nos adresses : èredentreprise.ca et unicorne.ca. On se revoit le dernier vendredi du mois prochain, soit le 27 août prochain.
Pour en savoir plus
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L’étude de marché, la science du marché
La définition de produit pour réduire le risque entrepreneurial
Le financement du risque pour un démarrage d’entreprise
La franchise et l’atténuation du risque entrepreneurial
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