Les entreprises centenaires ont vécu plusieurs bouleversements, mais certaines arrivent au bout de leurs ressources. Pourquoi?

Introduction
Bonjour,
Je suis votre hôte, Julie Lapointe, et bienvenue à cet épisode du balado Ère d’entreprise.
Le concept du balado
L’objectif d’Ère d’entreprise est d’analyser l’évolution des systèmes d’affaires par rapport aux tendances passées, actuelles et futures. Ce que l’on tente de mettre en lumière, c’est l’impact de ces tendances sur les évolutions du marché et sur les cycles de développement des affaires. Est-ce que les grandes révolutions commerciales et industrielles ont initié les tendances ou en ont été une réaction?
Le mode de suivi
Ère d’entreprise analysera des bouleversements du passé selon des thèmes mensuels par le biais d’un épisode par mois et d’une mini-capsule hebdomadaire qui sera disponible sur l’ensemble des plateformes web.
Je vous invite donc à suivre mon compte LinkedIn personnel, sous l’adresse evolutionentrepreneuriale, pour avoir accès à ces capsules, qui sont aussi diffusées sur le profil Facebook et LinkedIn de C’est maintenant. Vous les trouverez d’ailleurs également à l’adresse cestmaintenant.ca.
Annonce : Aujourd’hui dans cet épisode sur les entreprises centenaires
Certaines entreprises font partie du paysage corporatif depuis toujours. Centenaires, elles sont rarement remises en question et paraissent souvent indestructibles. Mais les révolutions commerciales nous surprennent tous, en incluant ces figures marchandes bien établies. Face à ces nouveaux défis, certaines s’effondrent alors que d’autres réussissent à se restructurer et à renouveler leur positionnement. Qu’est-ce qui a fait la différence? Leur prédominance a-t-elle aveuglé le management ou est-ce leur structure trop rigide qui a permis aux tendances de les ronger de l’intérieur?
Tous les domaines d’affaires ne sont pas égaux
L’ensemble des entreprises est régi par leur environnement d’affaires immédiat, c’est-à-dire leur domaine d’affaires. Ces derniers exercent des pressions différentes selon le contexte de l’activité commerciale, soit manufacturier, de services, détails ou autre. On voit davantage de centenaires dans certains domaines particuliers. Par exemple, si on considère une entreprise de services, cette dernière est souvent liée à la personne qui les donne. Il est donc logique que la durée de vie de l’entreprise se mesure à celle de la carrière du fondateur.
D’autres domaines sont plus vulnérables aux situations économiques, aux innovations ou aux technologies perturbatrices. On pense au domaine du commerce au détail qui a été perturbé par plus d’un phénomène dans les dernières décennies.
À l’opposer, les entreprises manufacturières sont celles que l’on retrouve davantage dans le palmarès des centenaires. Ces aînés ont souvent des produits-phares qui fonctionnent à l’inverse du commerce de détail, où l’innovation est reine. En effet, prenez différents produits connus du public, tel que le Ketchup Heinz, Coca-Cola ou le sirop au chocolat Quick. Ces derniers se sont établis avec une recette particulière à laquelle les consommateurs ne sont pas prêts à renoncer. Pour eux, l’innovation et les technologies, autre que dans le processus de fabrication, ne sont pas pertinentes. Du moins, jusqu’à aujourd’hui.
L’innovation d’un produit manufacturier alimentaire
Arrivera-t-il le jour où ces produits seront pointés du doigt à cause de leurs ingrédients? Certains ont déjà vécu cette polémique, dont Coca-Cola avec le sucre inclus dans les boissons gazeuses en général ou le Nutella avec l’huile de palme. Alors que plusieurs consommateurs n’étaient pas prêts à changer leurs habitudes de consommation, d’autres ont diminué la quantité ou se sont tourné vers la version diète. Est-ce que cette dernière version est une innovation? Ou une variation en réponse à une nouvelle demande du marché?
L’innovation est ce qui dictera le développement de marché dans les années qui suivent son implantation. Dans ce contexte, la version diète est plutôt un nouveau produit, mais pas une innovation. L’innovation sera celle qui implantera des canettes biodégradables dans son processus de fabrication.
Les manufacturiers qui disposent d’un produit phare, surtout alimentaire, semblent donc être exemptés de ce besoin d’innovation. Il faut donc en déduire que les goûts restent bien ancrés dans les cultures et évoluent peu. Phénomène qui augmente l’espérance de vie et voit les centenaires demeurer au sommet.
Le principe humain
Mais qu’en est-il du domaine d’affaires le plus sensible aux courants commerciaux? Que l’on pense au Eaton, Sears ou Woolworth, leur chute a été annoncée et rien n’a été concrètement fait pour l’empêcher. Leur positionnement était pourtant stratégiquement avantageux, alors comment avoir réussi à manquer autant la cible technologique? Les dirigeants ont-ils délibérément renoncé? Si cela est le cas, quand est-il de ceux de la bannière La Baie. Déjà en train de planifier le recyclage de leur immeuble symbolique de Montréal, ils ont déjà disposé d’actifs significatifs et leurs ventes sont en pente descendante depuis quelques années. Plusieurs magasins, après des tentatives ratées de repositionnement, sont aujourd’hui des ombres d’eux-mêmes. Est-ce que la direction a elle aussi renoncé?
Quand la vente en ligne a pointé sa souris sur l’avenir, est-ce que les responsables du catalogue Sears étaient si confortable dans leur position qu’ils en ont oublié la nécessité d’une veille techonologique?
Si le confort et l’abandon sont les raisons qui poussent les grandes bannières au point de non-retour, c’est donc dire que le facteur humain est responsable, et peut-être le bon vieux principe de Peter qui s’applique?
Le principe de Peter
À titre de rappel, le principe de Peter est celui par lequel chaque individu a une limite de compétences. Ainsi, les systèmes de promotions internes basés sur l’accomplissement du poste précédent, amènent éventuellement un individu à dépasser sa capacité. Il en vient donc toujours à rencontrer le début de son incompétence. La promotion en trop. Le poste précédent était le maximum qu’il pouvait offrir. Le résultat est simple, avec l’âge, les employés-clé promus à l’interne, sont devenus majoritairement incompétents.
La date d’expiration
Est-ce là la date de péremption d’une entreprise? Les ressources humaines? Ou plus précisément la gestion de ces dernières? L’évaluation du personnel, surtout en période de pénurie de main d’œuvre, ne permet pas beaucoup de marge de manœuvre. Alors comment résister à l’augmentation de l’incompétence dirigeante?
Ainsi, les entreprises centenaires ne sont pas à l’abri, mais sont des cibles. Pourtant, leur statut fait l’unanimité. Target, par exemple, a particulièrement bien habité le marché américain, mais a lamentablement échoué de ce côté de la frontière. Lowe’s a tenté de pénétrer le marché canadien jusqu’à finalement faire l’acquisition d’une bannière québécoise pour y arriver. Dans ce même marché, Wal-Mart a toutefois réussi son intégration. Alors, qu’est-ce qui a influencé ce résultat? Est-ce les mêmes facteurs que ceux qui ont amené la perte des grandes bannières?
En comprenant la psychologie humaine en matière de compétence, pourrait-on être en mesure de réajuster le tir avant qu’il ne soit trop tard? Est-ce l’ennui, créé à force de travailler dans la même structure, qui finit par avoir raison de l’implication et se transforme en paresse intellectuelle? Est-ce que nous devrions secouer l’arbre hiérarchique périodiquement pour maintenir l’intérêt et identifier ceux qui peuvent apporter de nouvelles idées? Devrait-on échanger des employés avec les compétiteurs sur une base régulière?
Les nouveaux compétiteurs
L’évolution d’un marché fait partie de la normalité de l’environnement dans lequel une entreprise évolue. L’objectif d’un entrepreneur est d’être positionné en tant que meneur et l’innovation est la méthode pour y arriver. Se défendre contre les compétiteurs existants est une chose commune et reconnue. Toutefois, se positionner envers des technologies qui n’existent pas encore ou des entreprises qui coexistent entre notre domaine d’affaires et celui des nouvelles technologies est complètement différent. Comment être en mesure de prévoir l’avenir?
Les technologies perturbatrices ont fait beaucoup parler d’elles dans les dernières années. Que cela soit dans l’industrie du taxi ou dans le cadre du commerce électronique. Les ventes en ligne ont connu une explosion de popularité dans la dernière année, les commerces traditionnels ont dû s’adapter rapidement et ajuster leur présence en ligne. L’investissement en technologie de l’information s’est accéléré et les entreprises qui avaient déjà amorcé le virage ont été avantagées sur leurs rivales. Mais la question est donc la suivante : comment se fait-il, alors que déjà, les impacts du magasinage en ligne se faisaient sentir, certains dirigeants n’y voyaient pas un élément significatif à considérer?
La réalité est que plusieurs influences sont exercées sur un marché de façon simultanée. Le destin d’une entreprise n’est pas le résultat d’une cause unique. Prenons l’exemple de Simons, cette entreprise québécoise à résister aux différentes tempêtes qui se sont présentées dans les 100 dernières années. La vérité est que pour écrire son histoire, Simons s’est ajusté constamment. Sans lire dans une boule de cristal, l’entreprise a certainement fait ses devoirs en matière de compréhension et d’évolution de son marché. Ce qui veut dire, analyser ses attentes et les habitudes de consommation qui y sont rattachées. Je ne parle pas ici uniquement de collecte de données, mais plutôt d’une veille stratégique sur les futurs comportements de consommation.
Évolution des marchés
Qu’elles sont les impacts des médias sociaux sur l’évolution de la mode? Est-ce que le télétravail changera les habitudes d’achat en vêtement? La nouvelle génération préférerait-elle la qualité ou la variété? L’analyse de marché et la compréhension des tendances seront donc la solution afin de miser sur les bons investissements.
À l’opposé du même spectre, Sears a complètement manqué le bateau technologique. Une justification simple serait de blâmer le commerce électronique. Il est évident que l’adaptation du catalogue au monde virtuel aurait dû faire partie des priorités de l’entreprise. Cet élément est certainement un facteur majeur, mais il n’est pas le seul.
Sears avait plus de cent ans d’existence. Il était vu par plusieurs de ses financiers comme un placement, telle qu’une rente. L’objectif était alors de maintenir une stabilité dans les dividendes versés.
Résultat, Sears en tant qu’entreprise, a cessé d’évoluer. Alors qu’une bannière de détail peut investir jusqu’à 15$ du pied carré en amélioration de l’espace de vente, Sears n’atteignait même pas le 1$.
Il a aussi manqué le besoin du consommateur de non seulement désirer une expérience-client unique, mais aussi une spécialité. Le magasin à rayon a connu ses lettres de noblesse au début du 19e siècle afin d’éviter les déplacements. À l’époque, le transport représentait un défi de taille et ce type de magasin visait à répondre à ce besoin, tout avoir au même endroit. Aujourd’hui, les gens parcourent plus d’une heure pour se rendre au travail, font des lignes d’attente pour le dernier Iphone et s’attendent à une plus-value pour leur effort.
L’expérience virtuelle
Eaton et Sears ont été victimes de ce glissement. Sans expérience valable, le consommateur ne peut justifier la différence entre l’achat en personne et celui en ligne. À ce niveau, le prix l’emporte et la fin commence à se dessiner. Sears avait deux options, soit apporter une valeur supplémentaire à son offre à distance ou renforcé son offre en magasin en la structurant autour d’un concept. Le choix est toutefois bien théorique en ce que les obligations immobilières sont devenus démesurément lourdes et difficiles à modifier. Le paquebot était trop lent et il n’a pas pu modifier sa trajectoire.
La seule façon d’éviter le naufrage aurait été de bien lire leur radar et de définir une nouvelle destination. Pour ce faire, l’administration aurait dû prioriser la perennité au lieu de la rentabilité.
La logique veut donc que la différence majeure entre Sears et Simons est la gouvernance. Alors que la première était une entreprise publique dont l’équipe en place était constituée d’administrateurs sous contrat, la deuxième est encore sous contrôle familial. Est-ce là la différence qui fait toute la différence?
Les technologies perturbatrices
Le commerce au détail n’est pas mort. Comme l’industrie du taxi, les nouvelles tendances et technologies vont certainement le pousser vers de nouvelles normes. Le taxi aurait été protégé en partie d’Uber avec une application mobile efficace. Aujourd’hui, cette dernière ce fait encore attendre. Les permis de taxi ont été compensés par le gouvernement, mais la réponse aurait dû être de travailler en amont afin d’ajouter une plus-value à cet investissement? Tout comme Sears, la réglementation et les barrières à l’entrée de l’industrie ont créé un faux sentiment de sécurité.
Toute firme de ce monde a intérêt à solliciter une vision externe afin d’élargir son point de vue selon la perspective d’un compétiteur actuel et potentiel. La question qui doit être posée est la suivante : si je devais bouleverser le marché, quel en serait le meilleur moyen?
Pour le taxi, la réponse était de contourner la réglementation. Pour Sears, la réponse était de diminuer davantage les coûts liés au commerce à distance.
Bref, quelle que soit l’industrie, mais davantage celui B2C, la vigilance est la clé de la pérennité. Les tendances ont un cycle de vie, et il est important de reconnaître rapidement les signes avant-coureurs du début d’un nouveau cycle.
Pour arrivée à cette fin, la gouvernance et l’implication des dirigeants sont essentiels, mais aussi, les attentes des investisseurs doivent être rencontrées. L’histoire l’aura prouvé à plusieurs reprises que le retour sur investissement peut être une arme à double tranchant.
conclusion
Les capsules
Pour aller un peu plus loin sur les sujets abordés aujourd’hui, n’oubliez pas de prendre connaissance des capsules hebdomadaires, qui seront diffusées les mercredis sur nos plateformes numériques, LinkedIin et Facebook de C’est maintetant en plus des pages LinkedIn d’Ère d’Entreprise et ma page personnelle sous l’adresse évolutionentrepreneuriale.
Les sujets abordés dans les quatre prochaines semaines seront : l’adaptation du modèle d’affaires, la résistance interne, le parc immobilier, l’expiration du modèle d’affaires et finalement, le 27 octobre, la compétence de la direction.
Le mois prochain
Le prochain épisode visitera la gestion interne et le leadership. Comme nous l’avons vu dans cet épisode, une grande majorité des problèmes débute souvent au sommet de la pyramide. Peut-on se protéger contre ce phénomène humain?
Nous joindre
Merci d’avoir partagé ces moments avec moi. Je vous rappelle notre adresse : cestmaintenant.ca. On se revoit le dernier vendredi du mois prochain, soit le 29 octobre.
références
https://www.gobankingrates.com/money/business/big-name-brands-around-century/
https://www.inc.com/geoffrey-james/the-real-reason-sears-crashed-what-you-can-learn-from-it.htmlhttps://www.cnbc.com/2018/10/11/here-are-5-things-sears-got-wrong-that-sped-its-fall.html
https://www.lapresse.ca/affaires/economie/200901/06/01-681697-100-ans-une-rarete-chez-les-pme.php
https://en.wikipedia.org/wiki/Peter_principle
https://stacker.com/stories/3999/major-retail-chains-no-longer-exist
Aussi sur le même sujet, notre blogue : Le moment Kodak, sans retouche
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